Un client satisfait

[Benoit Lacombe]

Morato Zeder devait aujourd'hui se rendre à l'auberge pour aller porter à Alexander Narquin sa montre de poche qu'il avait réparé, comme ils s'étaient entendus sur le sujet. Ça lui avait pris un moment réaliser quelle partie du mécanisme avait rendu l'âme, mais il n'avait pas eu besoin de son père pour trouver la pièce fautive. Un coup réparée, elle marchait comme une neuve.

Toutefois, la partie la plus dure du travail était encore à venir: aller lui porter à l'auberge.

En temps normal, il n'aurait pas trop de misère à se retrouver dans un lieu social et, partant du point A au point B sans faire de détour, aller porter à un client son objet réparé. Malheureusement (et heureusement) pour Morato, il y avait de fortes chances qu'il y croise une Saelig, surtout considérant que l'une d'entre elles possédait l'auberge. Il se pourrait même qu'il doive échanger quelques mots avec Trixi Mathis, et la peur de se planter dans ses mots et d'avoir l'air ridicule l'envahit. La peur de mal paraître aussi, c'est pourquoi il passa une bonne heure à réfléchir comment s'habiller pour se rendre à l'auberge.

*Si je porte ça, je vais avoir l'air de trop essayer, mais si je porte ça, j'aurai l'air de sortir de mon atelier... et ça, ça va donner l'image que j'essaie de passer inaperçu, et... et ça, ça attire beaucoup BEAUCOUP trop l'attention.*

Après un long soupir que seul lui pouvait entendre dans sa chambre, il finit par opter pour ses vêtements habituels lorsqu'il est en public, noirs et bleus. Il passa près de ne pas mettre son manteau brun, mais il se rappela qu'il lui permettait de cacher un peu sa queue. S'il avait pu camoufler davantage ses traits de Zanash sans trop avoir l'air d'essayer, il l'aurait fait, mais ce n'était pas vraiment une option.

*De toute façon, ce n'est pas comme si ça changerait quoi que ce soit...*

Puis, après une période de préparation interminable, il se rendit à l'auberge. Il avait choisi un des moments où l'auberge était la moins bondée pour venir. Rendu à la porte, il réalisa qu'il aurait dû, au contraire, choisir une période de la journée très occupée, comme ça, son séjour ici aurait définitivement été écourté et personne n'aurait vraiment eu le temps de lui parler, mais il était trop tard pour reculer.

Il ouvrit la porte et entra à l'intérieur. Alors qu'il entrait dans la pièce, il chercha tout de suite à repérer qui était présentement dans l'auberge entre les deux employés habituels.

[Alexander Narquin]

L'endroit était à son plus calme, comme l'avait souhaité l'Huldre qui s'était présenté aux petites heures. Peu de gens, de sorte que son entrée ne manqua pas d'être remarquée.

Alexander était présent à son poste, les mains bien au creux de mitaines de fours alors qu'il semblait s'atteler à quelques cuissons dans l'appareil conséquent. À moitié occupé, comme cela semblait être son quotidien (et lorsqu'il ne l'était pas, il s'arrangeait pour l'être), il remarqua tout de même l'entrée qui se voulait discrète.

Il lui envoya la main, toujours gantée de la mitaine.

Hé...! Morato, ça va l'ami? Je peux te servir quelque chose - Je mets justement des galettes d'avoine au four et elles seront bien fraîches, bien chaudes, et à leur meilleur en un rien de temps.

Ça te dit?

Et d'un naturel avenant, l'implacable sourire qui illuminait le visage de l'assistant tenancier.

[Benoit Lacombe]

Morato eut un immense sentiment de satisfaction, teinté d'une légère déception, en voyant qu'Alexander Narquin lui envoyait la main. Il s'approcha de lui, cherchant à faire tomber le niveau de la conversation à un plus faible degré. N'ayant pas spécialement faim, mais ne voulant pas avoir l'air du gars qui refuse ce qu'on lui offre, il haussa les épaules.

- ''Euh... D'accord, pourquoi pas. Je ne doute pas qu'elles vont être bonnes.''

Puis, pendant qu'Alexander continuait ses tâches de cuistot, Morato lui fit part de la raison de sa visite.

- ''En fait, je venais par rapport à ta montre. J'ai fini de travailler dessus.''

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